Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue dans ce petit cadeau de Noël de la part de Ronan et de moi-même : le premier épisode de la nouvelle saison de No Man’s Kingdom ! Pour les abonné-e-s récent-e-s, No Man’s Kingdom est mon projet d’écriture, un univers que j’ai en tête depuis bien longtemps et qui prend vie au fil de ces épisodes. Conçus pour être des chapitres courts, des mini-histoires en mode “one shot” destinées à être lues à la cool en buvant un café, sur votre téléphone ou au bureau, chaque chapitre met en avant un ou plusieurs personnages, dont les destinées se croisent et s’entrecroisent avec ceux des autres chapitres…
J’ai le grand plaisir et privilège de collaborer sur No Man’s Kingdom avec l’illustrateur BD Ronan Toulhoat, qui met en image chaque chapitre avec brio, et qui donne vie à cet univers mêlant fantasy, post-apo et SF que je suis heureux de partager avec vous.
Si vous découvrez pour la première fois ce hors-série de la newsletter des portfolios fantastiques, je vous invite à aller cliquer, sur la home page, sur l’onglet “No Man’s Kingdom”, et de commencer… Par le premier chapitre. Histoire de ne pas vous lancer comme ça dès la saison 2 sans avoir lu la 1 !
J’espère que ces nouveaux épisodes vous plairont. N’hésitez pas à partager autour de vous si vous pensez que cet univers pourrait plaire… On a besoin de tous les lecteurs et lectrices possible !
En attendant la suite, je vous souhaite un bon retour dans le monde de No Man’s Kingdom.
Thomas Olivri
La pièce dans laquelle ils se trouvent est recouverte d’une épaisse couche de poussière, dans laquelle leurs traces de pas sont clairement visibles, comme s’ils avaient marché dans de la neige fraîchement tombée. L’ambiance est oppressante. Le silence pèse lourd dans ce lieu oublié par le temps. Délicatement ornementée, la pièce que Rhazor et Sheza inspectent ressemble sans doute à ce à quoi elle devait ressembler il y a 350 ans. Des murs en pierres taillées, recouverts de fresques aux couleurs miraculeusement préservées et de sculptures détaillant des scènes qu’ils ne comprennent pas, s’offrent à leurs yeux. Des personnages en toges, une auréole au-dessus de la tête, un homme portant une croix, une scène terrible de torture dans laquelle le même homme est cloué à ladite croix par des soldats en armure…Les civilisations des temps anciens avaient là de drôles de légendes, pense Razhor en s’arrêtant face à la statue d’un homme aux grandes ailes d’oiseaux.
C’est la troisième salle qu’ils explorent depuis qu’ils ont pénétré dans ces catacombes cachées sous les ruines du temple dédié au Dieu. Et elle est vide, comme les autres. A part quelques vestiges du monde d’avant (une pièce de monnaie abandonnée ici ou là, un parchemin en lambeaux, des vieux clous…)... Rien. Comme si tout ce qui avait pu avoir de la valeur avait été évacué par les anciens occupants pour des raisons obscures.
“Grit”, soupire bruyamment Rhazor, en détachant son regard de la statue, les mains sur les hanches. “On dirait bien que tes informations étaient creuses. Y’a rien ici. Encore du temps perdu”.
Devant lui, Sheza est accroupie, pensive, devant un squelette humain affalé dans un coin de la pièce. Recouvert lui aussi de poussière, il ne reste presque plus rien des vêtements qu’il ou elle portait de son vivant, à part quelques vagues morceaux de tissus effrités restés attachés à la cage thoracique. Le corps est assis, jambes écartées, bras ballants, et le crâne repose à terre, l’attraction terrestre ayant eu raison des quelques restes de cartilages qui le reliaient à la colonne vertébrale depuis bien longtemps. Les yeux vides du crâne semblent sonder au plus profond de l’âme de la reliquière, perdue dans ses pensées. Elle ne reprend pas son associé. Les sourcils froncés, elle reste dubitative.
Les deux explorateurs sont éclairés par un globe céleste lumineux, qui flotte à environ 1 mètre du sol, diffusant une lueur blanchâtre qui étale leurs ombres derrière eux. Le reste des catacombes est plongé dans l’obscurité la plus totale. Depuis qu’ils sont descendus en rappel via le passage caché qu’ils avaient découvert à la surface, ils ont cherché dans les moindres recoins de ce lieu oublié par le temps depuis la grande catastrophe de l’Armageddon. Mais ils n’ont rien trouvé d’intéressant. Les pièces sont désertes. Nulle trace d’objet précieux.
Et pourtant… Les sens de reliquière de Sheza sont en ébullition. Pourquoi avoir pris la peine de sceller ces catacombes si elles ne renferment rien d’intéressant ? Qui est ce squelette, qui a dû mourir de faim et de soif, dans le noir, après avoir longuement prié pour son salut dans les ténèbres ? A ses côtés se trouvent les restes d’une torche ainsi qu’un collier en métal terni, au bout duquel pend le même symbole de croix qui apparaît un peu partout dans les ruines. Sheza s’en empare et l’observe de près. La croix oscille au bout du collier. Le symbole d’une religion oubliée.
Sheza regarde autour d’elle, aux quatre coins de la pièce vide. Les personnages peints sur les murs semblent vouloir lui cacher un secret. “Il y a forcément quelque chose. Je le sens”, insiste-t-elle.
Rhazor lève les yeux au ciel. Il a beau être aux côtés de Sheza depuis des années, ils ont beau avoir exploré des dizaines de grottes, de ruines et de vaisseaux célestes ensemble, à la recherche d’artefacts oubliés valant une fortune sur le marché noir, il n’est toujours pas à l’aise dans ces espaces confinés et poussiéreux. Et ce silence le rend nerveux.
Sheza ne comprend pas. Toutes ses recherches des derniers mois mènent à cet endroit précis. Dans les ruines de cet ancien lieu de culte est censée se trouver l’une des dernières bibliothèques encore vierges de tout pillage. Un érudit de Petropol a financé leur expédition, qui s’est éternisée. Entre fausses rumeurs, fausses pistes et légendes, cela fait des semaines qu’ils tournent en rond. Leur patience est à bout, tout comme celle de l’érudit… Ainsi que leurs finances.
La grande reliquière se relève lentement. Ses membres fins et musclés, libérés de la lourde cape qu’elle a laissée à l’entrée au moment de descendre dans les catacombes, présagent de sa rapidité et de sa souplesse. La lueur de la sonde céleste éclaire sa peau noire, qui contraste avec sa tenue d’un blanc quasi immaculé. Elle regarde son compagnon, le regard sévère. “Toutes nos recherches mènent à cet endroit, Rhazor. On ne doit juste pas chercher au bon endroit”.
Rhazor lève les bras au ciel et tourne sur lui-même, faisant virevolter sa jupe de cuir. “Et tu veux qu’on cherche où, exactement ? Une pièce centrale, un couloir, 4 pièces. A part le squelette de cet abruti, il n’y a absolument rien. Et je commence à me geler les bourses. Alors on remonte, on mange un morceau, et on oublie ce contrat. Il n’y a rien ici qui…”
Un bruit sourd suivi d’un caquètement aigu le coupe brusquement.
Quelque chose les a rejoint dans les catacombes, en se laissant tomber depuis l’ouverture qu’ils ont empruntée.
Quelque chose de gros.
Les deux reliquiers se figent et, dans un geste quasi identique, sortent leurs lames de leurs fourreaux. Tous deux ont reconnu le cri d’une créature qu’ils ont trop souvent combattu.
Sans se concerter, ils se placent de part et d’autre de l’entrée de la pièce vide et sans issue dans laquelle ils se sont enfermés sans le savoir. La seule issue possible est celle par laquelle ils sont entrés. La confrontation avec la créature qui s’est invitée à leur exploration semble donc inévitable. Razhor, qui sait pourtant exprimer son mécontentement de manière tonitruante, s’est subitement transformé en un prédateur furtif et silencieux. Sheza, de son côté, empoigne sa lame courte à deux mains, le long de son corps, la lame touchant presque son nez. Les yeux mi-clos, elle peut voir, à la lumière du drone, le regard vide du squelette qu’elle inspectait à peine quelques secondes auparavant. Il semble se moquer d’elle, impatient de trouver de la compagnie pour le reste de l’éternité. Sheza jure en son for intérieur.
Un dragon. Un dragon les a suivis jusque dans les catacombes. Il a patiemment attendu qu’ils se piègent eux-mêmes avant de descendre à leur rencontre. Cela a le mérite de faciliter grandement la situation : s’ils veulent s’en sortir, ils doivent le tuer. Si le dragon veut sortir, il doit les tuer. C’est aussi simple que ça. Sans regarder Razohr, elle sait pertinemment qu’il est sur la même longueur qu’elle. Et qu’il pense à la dernière fois où ils ont affronté l’une de ces créatures.
Un cri strident et une espèce de reniflement résonne dans le couloir menant à la pièce. Un pas lourd approche vers eux. Les muscles des deux reliquiers sont tendus à se rompre, comme la corde d’un arc quelques millisecondes avant d’être lâchée.
La créature passe une tête à travers l’encadrement de la porte. Parfaitement immobile, Sheza ne tente même pas de bouger le moindre muscle de son cou. Du coin de l'œil, elle distingue le profil du monstre, éclairé par le drone céleste qui flotte lui aussi en silence, comme si lui non plus ne voulait pas attirer l’attention du dragon. La peau de ce dernier est écailleuse et luisante, d’un noir bleuté. Ses yeux sont d’un rose vif. Sa mâchoire est épaisse, et laisse entrevoir des rangées de dents pointues et acérées. Ses longues pattes avant sont garnies de griffes recourbées. Il est immense, malgré le fait qu’il se déplace accroupi.
Ces créatures, d’après les théories, étaient des parasites, ou des animaux de compagnie qui voyageaient à bord des vaisseaux célestes. Les survivants des crashs s’étaient éparpillés dans la nature, et avaient fini par s’adapter et se reproduire. Des organismes extra-terrestres devenus les prédateurs alpha des Nouveaux Royaumes, égalés en férocité seulement par certains grands grits ou kroaks… Si ces derniers n’avaient pas été là, nul doute que les dragons auraient rapidement renversé toute la chaîne alimentaire de la Terre à leur avantage. Solitaires, ils pouvaient passer des jours à pister des aventuriers, des caravanes ou des convois, attendant le moment le plus propice pour attaquer.
De belles saloperies.
Et il y en avait une à cinquante centimètres de sa tête, à présent.
Merci d’avoir lu ce nouveau chapitre de NMK ! Ronan et moi vous donnons rendez-vous dans quelques semaines pour connaître la suite…
TO
Enfin le retour de NMK !!! toujours aussi brillant, et aussi court...Et toujours largement digne d'une publication en bonne et due forme. Merci Thomas pour ce petit plaisir feuilletonesque.